Eliza et ses monstres by Francesca Zappia

Eliza et ses monstres by Francesca Zappia

Auteur:Francesca Zappia [Zappia, Francesca]
La langue: fra
Format: epub
Tags: BIB Jeunesse
ISBN: 9782221215432
Éditeur: Éd. Rageot
Publié: 2018-01-01T23:00:00+00:00


Au fond du couloir, un escalier mène au sous-sol. Les murs sont en brique, le sol est recouvert de moquette et il y fait plus froid que dans le reste de la maison. Wallace allume l’interrupteur au pied de l’escalier, et des candélabres se mettent à diffuser une lumière douce. La pièce est divisée en deux par un mur dans lequel on a taillé une large ouverture. De notre côté, je vois un canapé mangé par les mites et un vieil écran de télévision, très grand. Wallace m’entraîne de l’autre côté de la pièce, à travers l’ouverture. Il y fait plus sombre. Un matelas posé à même le sol est recouvert de draps froissés, près d’une lampe branchée sur une multiprise. Des livres et des papiers sont empilés un peu partout. J’aperçois les quatre tomes des Enfants d’Hypnos et les chapitres de la transposition romanesque de La Mer infernale. Une table de billard prend beaucoup de place. À gauche de la lampe posée à même le sol se dresse un vieux fauteuil relax. Derrière est fixée une large affiche de Dallas Rainer sur une plage, les yeux rivés sur l’océan. Les mots « Il y a des monstres dans la mer » sont gravés dans l’ombre qu’il projette sur le sable. Punaisé à côté du poster j’aperçois un vieux maillot de foot américain sur lequel est écrit Warland au-dessus du numéro 73.

Depuis l’ouverture dans le mur, Wallace tire une lourde porte coulissante en bois qu’il verrouille. Plus aucun bruit ne nous parvient du rez-de-chaussée, ni même de l’autre partie du sous-sol. Wallace presse le front contre la porte et ferme les yeux.

— Je suis vraiment désolé, dit-il. Je ne pensais pas qu’il se comporterait comme ça.

Je me dandine d’un pied sur l’autre. Il fait froid et mon blouson est resté en haut.

— Il fait ça d’habitude ?

— Parfois. C’est – c’est un mec super, un mec bien, vraiment, mais je déteste quand il commence à dire que les choses n’ont pas de sens. (Il se redresse et commence à faire les cent pas.) Pardon. Je suis désolé, je ne veux pas te faire peur. Je pensais qu’en ta présence il n’agirait pas ainsi.

— C’est pas grave. Je comprends.

Je suis juste contente de respirer de nouveau.

Wallace serre les poings. Je ne l’ai jamais vu aussi en colère. Pas comme ça. Il a l’air prêt à casser quelque chose. Peut-être la table de billard.

— Quel est l’intérêt d’être en vie si on ne fait pas quelque chose qui nous rend heureux ? À quoi sert une carrière qui te rapporte de l’argent si tu te détestes tous les jours de faire ce que tu fais ? Je n’ai pas de famille à entretenir, ni de factures à payer, du moins pas pour l’instant. Bien sûr, il faudra que je rembourse mon prêt étudiant, mais de toute façon nous n’avons pas les moyens de me payer autre chose que l’université d’État et donc je paierai mes études avec le job que je décrocherai après.



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